Les personnages de la Commedia dell’Arte

les-personnages-de-commedia-dell-arte Les personnages de la Commedia dell’Arte sont dits « archétypaux » ; ils revêtent des caractères et sont dotés de traits bien précis qui permettent, par ce qu’ils suggèrent, de dénoncer et de provoquer.  L’archétype permet d’identifier le personnage, même de loin, et comprendre ainsi, en un quart de seconde, son caractère et ses objectifs. Le personnage de Commedia dell’Arte a pour objectif de représenter une partie de la société, et le canevas (le « scénario ») de représenter dans l’idéal, toute la société (homme, femme, bourgeois, noble, militaire, petit peuple, etc…).

Ces archétypes sont encore présents aujourd’hui et on les retrouve dans différents types de spectacles, ouvrages, dessins animés ou encore films. On peut, par exemple, citer Picsou comme digne descendant du Pantalon du XVIème siècle.

Le personnage de Commedia dell’Arte est identifiable par son costume et par son masque (ou maquillage), qui lui est propre et met en valeur la gestuelle, primordiale, comme dans tout art de la rue, mais attention, ils peuvent être masqués ou non masqués. Les personnages féminins se jouent non masqués (car ils sont interprétés pour la première fois par des femmes !), ainsi que les personnages nobles et la jeunesse.

Faisons un tour d’horizon des personnages archétypaux de la Commedia dell’Arte, tels que la tradition (orale principalement), nous les a apportés.

Les personnages masqués

personnages-commedia-pierre-bergaigneLes serviteurs ou valets de la Commedia

Commençons par les serviteurs, les valets, appelés également les zanni. Les serviteurs doivent toujours trouver un emploi, le garder, ce qui n’est pas toujours chose facile, pour pouvoir vivre et manger. Ils s’emploient, par conséquent, à savoir tout faire, ou du moins, le faire croire. Ce sont tous des personnages masqués et souvent les plus complices avec le public. Les Zanni sont des personnages populaires par excellence. Au sens étymologique d’abord, car ils représentent le peuple, au sens figuré ensuite, car ils sont les complices adorés du public.

  • Zanni
    Zanni est le serviteur originel (qui a donné son nom à tous les valets nés après lui), descendant directement des farces des bateleurs du Moyen-Âge. C’est surtout le plus bête et porte un masque composé d’un grand nez, signifiant le temps qu’une idée met pour arriver au cerveau. Il se déplace à la manière d’un oiseau. Il représente le chômeur longue durée comme on pourrait dire aujourd’hui, voire le SDF. Il est inspiré par les paysans italiens qui arrivaient en masse dans les villes, fuyant leurs villages détruits par les guerres de religion qui font rage à l’époque.
  • Arlequin
    Serviteur joyeux de Bergame, rusé, à l’esprit vif, il réfléchit rapidement et sait se sortir de situations compliquées par une pirouette. Son costume se compose d’une veste et d’un pantalon cousus uniquement de pièces rapiécées colorées, indiquant sa pauvreté. Il est, lui aussi, à la recherche de tout emploi pouvant lui fournir une pitance. Arlequin serait inspiré des bouffons du carnaval (eux-même inspirés des fêtes Atellanes romaines) et devrait l’étymologie de son nom à la mythologie germanique (ref. Erlkönig) et française (ref. Hellequin) qui, dans les deux cas, sont des créatures du diable. Son masque porte une petite bosse au front. Certains disent qu’il s’agit d’une verrue (due à la saleté), d’autres avancent que c’est en coupant ses cornes diaboliques, que l’une d’elles n’aurait pas tout à fait disparu et aurait laissé l’empreinte d’une goutte de sang.
  • Brighella
    Brighella est également un personnage malin de Bergame. C’est le plus intelligent des Zanni, il a réussi à trouver une petite place dans la société et représente notamment les petits artisans. Il a déjà les réflexes du courtisan face à ceux qui ont plus de pouvoir que lui.
  • Polichinelle
    Le « petit poussin » de Naples (de son nom italien Pulcinella signifiant Poussin). Une légende raconte qu’un petit poussin n’arrivait pas à sortir de son œuf au pied du Vésuve. Il piaillait si fort qu’il réveilla le démon du volcan et celui-ci, agacé par le bruit, rompit la frêle coquille. Il en sorti le petit poussin en l’attrapant par le dos, lui laissant sa marque : la fameuse bosse. Polichinelle peut être fourbe ou benêt, mais c’est, avant tout, un grand fainéant et s’il lui arrive de réfléchir, c’est afin de déterminer comment il pourra en faire le moins possible. On lui doit plusieurs citations, comme : « avoir un Polichinelle dans le tiroir» , ou avoir « un secret de Polichinelle», qui nous donne encore des indices sur le caractère concupiscent et inconséquent du personnage.

Les plus « vieux », les maîtres

La commedia dell’arte comporte aussi des personnages plus vieux, tels que :

  • Pantalon
    Marchand vénitien, sans qui aucune pièce ne pourrait être jouée, appelé « Le Magnifique », avec son caractère fort, impressionnant, souvent riche mais très avare, qui essaie sans cesse de séduire les jeunes femmes en vain. Chez lui, les sentiments passent après l’argent, le plus important c’est que ses affaires marchent. Il représente les commerçants et de manière générale les bourgeois.
  • Le Docteur
    Le Docteur représente les savants, ceux qui ont étudié (celui qui a un Doctorat). Il peut être Docteur en Philosophie, en droit, en Mathématiques et bien sûr en Médecine. Le Docteur n’a pas le savoir-faire de sa fonction mais le fait croire. Ses longues phrases, souvent en latin, servent à embrouiller son interlocuteur  et masquer son ignorance. Il est souvent représenté de façon obèse, marquant son intérêt pour la bonne chère. Le masque qu’il porte laissant volontairement les joues dodues apparentes.
  • commedia_malicorne_sorciere_malicorne_cie_atoutvaLa Sorcière 
    La Sorcière est apparue au XXème siècle (École Carlo Boso) pour faire le pendant du Docteur spécialiste des sciences naturelles, elle est, pour sa part, la référence dans les sciences surnaturelles et occultes. Elle apporte une dimension magique car elle peut concocter des potions et lancer des sorts. Son masque blanc en forme de chouette évoque la lune, et une vie, de préférence nocturne. Comme, apparue bien après, elle est le seul archétype féminin masqué.

Parmi les personnages de la commedia dell’arte masqués, Le Capitan, ou Capitaine,  se démarque car il peut être maître et avoir des valets mais il est également souvent au service d’un plus puissant, comme mercenaire. C’est un soldat, il représente une immense partie de la population au XVIème siècle, beaucoup d’hommes sont en effet enrôlés (souvent de force) dans l’armée. Son masque, souvent de couleur rouge, évoque la guerre, le sang et la colère et lui donne un côté impressionnant. Le Capitan est fier, vaniteux et se pavane en racontant ses exploits, souvent inventés de toutes pièces, et dissimule ainsi sa couardise. Il ne cache pas son intérêt pour les femmes. On lui a donné bien des noms selon les pays : Scaramouche, Spavento, Fracasse, etc…

Les autres personnages non masqués

  • Les Amoureux (également appelés Jeune Premier et Jeune Première) : appartiennent à l’aristocratie ou à la bourgeoisie.  Ils sont naïfs et empressés. Leur caractéristique principale est qu’ils aiment, mais sont encore sous le joug de leurs parents. Sans eux, aucune histoire ne pourrait être créée puisqu’ils sont à l’origine de l’action (amour contrarié avec conflit qu’il déclenche). Ceux sont, par exemple Roméo et Juliette chez Shakespeare, Clitandre et Lucinde chez Molière, Sylvia et Rosimond chez Maritaux, etc…
  • La Première actrice et le Premier acteur : représentent la noblesse. Ce pourrait être les mêmes que précédemment mais ils ont grandi. Ils se sont émancipés et cherchent à gagner ou garder le pouvoir ou une situation. C’est Hamlet, par exemple, ou Lady Macbeth.
  • La Servante (dit « au Bon bec ») : Elle est le pendant féminin d’Arlequin, avec un côté courtisane et entremetteuse. Elle ne se laisse pas faire, tient tête à ses patrons, surtout quand ils agissent de manière stupide, a très souvent son mot à dire, même s’il est dit dans son langage roturier. Elle est toujours du côté de l’amour et de la justice. Elle mène à bien les intrigues de sa maîtresse et les siennes. On l’appelle Francisquina, Zerbinette, Claudine, Dorine, Lisette, etc…

 

En commedia : un comédien, un personnage, mais…

Nous venons de décrire les principaux personnages avec leurs particularités. C’est à chaque comédien de se les approprier pour faire exister le personnage et la Commedia dell’Arte fonctionnait, à l’époque, sur le principe de l’emploi : un comédien possède des caractéristiques physiques propres qui lui indiquent naturellement le personnage qu’il sera le plus à même d’incarner (grand, trapu, mince, …)

C’est pourquoi les membres de la compagnie A Tout Va ! ont leur personnage fard – en effet, un acrobate incarnera plus volontiers un serviteur, comme Arlequin ; les comédiens aux physiques plus juvéniles se prêteront aux rôles de Jeune Premier.ère.  – Malgré tout, les comédiens aiment à jouer parfois à « contre-emploi » en incarnant des personnages différents, pour le plaisir du jeu, de la découverte, mais également dans un souci de faire évoluer les archétypes et de nourrir les personnages de Commedia dell’Arte avec ce qu’ils sont, et, par là, maintenir cet art : vivant !

Contactez - nous !

N'hésitez pas à nous contacter !